Jacques Berque (1910-1995)

Titulaire de la chaire d’histoire sociale de l’islam contemporain au Collège de France de 1956 à 1981, membre de l’Académie de langue arabe du Caire à partir de 1989, Jacques Berque a été élève de Louis Massignon. Celui-ci a joué un rôle déterminant dans sa reconversion de l’administration coloniale vers le monde universitaire. Partisan d’une approche globale du monde arabe incluant la littérature, il a su « conjuguer une double tradition scientifique, celle des sciences sociales issues du durkheimisme et de l’école des Annales, d’une part, l’érudition orientalisante et l’Ecole d’Alger, d’autre part » (François Pouillon). 

Né en Algérie française et fils d’Augustin Berque, directeur des Affaires musulmanes et des Territoires du Sud au Gouvernement Général, Jacques Berque a été d’abord contrôleur civil au Maroc. Louis Massignon qui collecte des informations sur le terrain pour son Annuaire du Monde musulman, discerne chez lui un esprit d’analyse et de synthèse remarquable et l’invite à faire une thèse.  Soutenue en 1955, elle porte sur les structures sociales du Haut Atlas, zone reculée où il avait été muté en raison d’un écrit critique sur la politique coloniale française au Maroc : « Pour une Nouvelle méthode politique de la France au Maroc » (1947). Son opposition à la destitution du sultan Mohammed V (1953) – combat qu’il partage avec Louis Massignon – l’incite à quitter son poste au Maroc pour un rôle d’expert en Egypte jusqu’à son installation à Paris, suite à sa nomination au Collège de France.
Il a traduit le grand écrivain et poète aveugle égyptien Taha Hussein, autre élève de Louis Massignon.

Effet de génération ? Jacques Berque accorde moins d’importance au facteur religieux dans l’évolution de la cité musulmane et dans les rapports Orient/Occident que Louis Massignon, ce qui a fait l’objet d’une tension courtoise avec son maître, lors d’un débat à Esprit en 1960. Cependant, il réévaluera ce rôle de l’islam par la suite, proposant une traduction inspirée du Coran, saluée pour ses qualités littéraires.  

Jacques Berque a été un membre fondateur de l’Association des Amis de Louis Massignon et a participé activement aux colloques célébrant le centenaire de la naissance de Louis Massignon (1983), puis le trentenaire de sa mort (1992). 

Témoignages : 

« Le cheikh admirable, le vieillard de prière et de désir, n’est plus. »

Jacques Berque, Les Lettres françaises, 1962


« Toute sa vie scientifique a opté pour l’islam de la brûlure contre l’islam du commentaire et de la ratiocination. Ce choix, c’est aussi celui des cimes contre les « coteaux modérés », et des intensités de l’existence et de la création intellectuelle contre leurs médiocrités. »

Jacques Berque, in Louis Massignon et le dialogue des cultures, 1996, p. 24


Le style de Louis Massignon était fait de « Méditations en rosace autour de thèmes conducteurs, synthèses éblouissantes, accumulations érudites de noms et de termes, dont n’est pas sans ressortir une sorte d’effet surréaliste, allusions fulgurantes, ou confidences voilées, échappées d’un lyrisme métaphysique ou passionnel : bref, le contraire de ce à quoi nous a habitués la production orientaliste, et l’on ne regrettera pas, certes, ce triomphe de l’anti discours. »

Jacques Berque, « Le roman de la rose ensanglantée », Le Nouvel Observateur, 2 février 1976



Bibliographie :
 

De Jacques Berque sur Louis Massignon :

« Une réponse de Louis Massignon sur l’islam », in Louis Massignon et le dialogue des cultures, Paris, Cerf, 1996, pp. 19-32

« L’anthropologie historique de Louis Massignon », in Présence de Louis Massignon, Paris, Maisonneuve et Larose, 1987, pp. 28-34

Sur Jacques Berque : 

BAALM, n°3, décembre 1995, pp. 38-40

François Pouillon (Ed.), Dictionnaire des orientalistes de langue française, Paris, L’Harmattan, 2008, pp. 102-103

BM