Physicien, Daniel Massignon est le deuxième fils de Louis Massignon et de Marcelle Dansaert. Soucieux de réunir théorie et expérimentation, Daniel Massignon est détenteur d’un double doctorat de Mathématiques, et de Physique-Chimie, double ancrage scientifique qui fait de lui l’un des bâtisseurs de l’industrie nucléaire française. Il fut le pivot des études théoriques sur la diffusion gazeuse qui accompagnèrent la réalisation des usines nucléaires de Pierrelatte et du Tricastin. Dans ce milieu secret et exigeant, on nomme « formule Massignon » l’équation qui permet de dimensionner ces usines et d’en optimiser le fonctionnement. Ces travaux au sein du CEA (Commissariat à l’Energie Atomique) lui ont valu d’être décoré Officier de la Légion d’Honneur. 

Par piété filiale, avec rigueur et rectitude, il fut un témoin inlassable et intègre de la mémoire de Louis Massignon, son père. Dans les années soixante, aux côtés de sa sœur Geneviève, et du professeur au Collège de France, Henri Laoust, il se consacre à la mise au point du manuscrit final du grand œuvre de Louis Massignon, La Passion de Hallaj. Puis à partir de sa retraite, au sein de l’Association des Amis Louis Massignon, il organise les colloques qui marquent le Centenaire de la naissance de Louis Massignon (1983) puis le Trentenaire de sa mort (1992) et supervise leur publication. Il est le maître d’œuvre de l’édition des Trois prières d’Abraham (le Cerf, 1997) à laquelle il a adjoint la vaste correspondance entourant sa diffusion restreinte par Louis Massignon et de l’Essai sur les origines du lexique technique de la mystique musulmane (Le Cerf, 1999). Confrontant les archives privées et publiques entourant la conversion de son père, il rédigea Le Voyage en Mésopotamie et la conversion de Louis Massignon en 1908, paru d’abord dans la revue Islamochristiania (1988) puis, après sa mort, au Cerf (2001). Ses dernières forces furent lancées dans le travail de réédition des trois tomes des Opera Minora et de son 4e tome jamais publié, pierres d’attente pour ce qui deviendra, plus tard, les Écrits Mémorables (Bouquin Laffont, 2009). Le premier tome lui est dédié. Au soir de sa vie, il se pencha sur La Correspondance Maritain-Massignon qui est parue à l’automne 2020, près de vingt ans après son décès !

Témoignages sur Daniel Massignon :

« La façon dont Daniel a poursuivi, après la mort précoce de sa sœur, ces tâches (la publication de La Passion de l’Hallaj, l’AALM ndlr.), apparaît aujourd’hui comme un monument de fidélité et de rectitude envers la recherche scientifique d’un autre, dans un domaine si différent du sien. La façon dont il a pu combiner les deux, l’œuvre de son père et la sienne, est une histoire unique qui devra un jour être racontée, à tout le moins comme un exemple de fertilisation géniale entre deux œuvres. Ce que le fils exigeait de lui-même, c’était d’être totalement fidèle à la lettre de l’œuvre de son père, une obsession du détail, une énergie et une rigueur refusant tout compromis et à peu près, et la certitude d’avoir raison, tempérée seulement par une attention critique aux suggestions de collègues dans le domaine de son père…Dans la mesure où son père était parfois ambigu et contradictoire, en réalité hautement complexe dans sa vie et dans sa pensée, l’approche de Daniel moins mystique, plus empirique, s’est faite intensément protectrice et déterminée à assurer la vérité ». 

Herbert Mason, alors vice-président de l’AALM, BAALM, n°11, p. 14 


« Dignité, respect, rigueur, unité indissoluble, oui, ces pôles de valeur et de vérité, ces paradigmes de compréhension se présentent à nous pour aborder l’œuvre et la présence de Louis Massignon et suivre la mission qui fut dévolue à Daniel ». 

André de Peretti, alors Président de l’AALM, BAALM, n°11, p. 19 


« En vis-à-vis de son lit, une gravure de son grand-père représentait un pèlerin des astres sur sa route de nuées, marchant vers le soleil : promesse d’éternité ou métaphore de sa quête intellectuelle de physicien ? Il avait été ce marcheur d’absolu sur sa traînée d’étoiles, au cœur de l’atome. Aller à la source des choses, au cœur de la matière, pour lui faire rendre raison de ses secrets. Capter la structure fondamentale du monde en équations simplifiées pour mieux se pénétrer de l’énigmatique harmonie de la nature en géométrie de signes. Célébrer l’unité de l’univers dans ses formes fondamentales. Au-delà de la structure même, il y avait une puissance à dompter, à civiliser, pour le meilleur ou pour le pire. »

Bérengère Massignon, sa fille.


Bibliographie :

BAALM, n°11, août 2001, dossier de témoignages et d’hommages, pp. 2-22.

Daniel Massignon, La mécanique statistique des fluides, 1957.

Daniel Massignon, Uranium Enrichment. Topics in Applied Physics, 1979.

BM