Muhammad Iqbal (1877-1938) est tout à la fois un grand poète de langues ourdoue et persane, un philosophe rénovateur de la pensée islamique, et un homme politique qui a tracé le chemin vers la création d’un état musulman séparé de l’Inde, le futur Pakistan.

Après des études universitaires de philosophie et de droit à Lahore, il fait un séjour de trois ans en Europe. Il étudie à Cambridge, puis soutient une thèse doctorale à Munich sur Le développement de la métaphysique en Perse.

Iqbal est l’un des rares intellectuels musulmans à avoir acquis une connaissance en philosophie occidentale assez approfondie, et à faire dialoguer dans son œuvre les idées de Hegel, Kant ou Nietzsche avec celles des philosophes et mystiques de l’Orient. S’opposant aux juristes musulmans traditionnels, il développe une lecture volontariste du Coran comme un appel à « éveiller en l’homme une conscience plus haute de ses multiples relations avec Dieu et l’univers ». Selon sa conception, le « soi » humain est appelé non pas à s’annihiler devant Dieu, mais au contraire à devenir libre, à se développer en acquérant les qualités divines, en s’associant au projet créateur divin.

Iqbal a peu rencontré Massignon. En fait, l’apport le plus marquant de Massignon à l’œuvre iqbalienne s’est fait sans doute par l’utilisation par Iqbal de la figure de Hallâj, qui est pour lui l’exemple par excellence de l’homme ayant pleinement réalisé son « soi » dans et par Dieu – à la différence des autres mystiques prônant l’annihilation du moi humain en Dieu.



Témoignage de Louis Massignon :

« Les initiations variées qu’Iqbal a cherchées, dans les Universités d’Europe, à la pensée philosophique occidentale l’ont marqué dans la mesure où elles fortifiaient en lui cet empirisme religieux […]. Iqbal avait connu Bergson, et […] avait senti pour Bergson une affinité spirituelle “sémitique” ; et il finit par venir à Paris pour s’entretenir avec lui. Mais il voulait aussi m’y parler de Hallâj. Il m’avait écrit, de Lahore, le 18-2-1932 : I am sending you a copy of [my] latest work “Jawid Nama” which I hope will interest you, especially the part relating Hallâj and Nietzsche (p.50). I have allowed the former to explain himself, and as to the latter I have tried to show how a Muslim Mystic would look at him. The book is a kind of Divine Comedy of Islam. It is a pity I was not able to meet you in London. […] This will give me an opportunity to meet you in Paris. Je le vis, en effet, chez moi, le 1er novembre 1932. »

Massignon, préface de Muhammad Iqbal, Reconstruire la pensée de l’Islam, trad. Eva de Vitray-Meyerovitch, Maisonneuve, 1955, pp.1-5



Bibliographie :
 

  • Muhammad Iqbal, Reconstruire la pensée de l’Islam, trad. Eva de Vitray-Meyerovitch, Maisonneuve, 1955 ; préface de Louis Massignon, pp. 1-5.
  • Abdennour BidarL’Islam spirituel de Mohammed Iqbal, Albin Michel, coll. Spiritualités vivantes, 2017

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