Giorgio
La Pira
(1904-1977)

Issu d’un milieu très modeste et agnostique, ce Sicilien fut professeur de droit romain à l’Université de Florence après une thèse brillante dédiée à la Sainte Trinité. Il  connut à Pâques 1924 une expérience mystique décisive de conversion à la suite de quoi il fut placé à la tête de l’Association des Etudiants Catholiques dont Mgr Montini était l’aumônier national.  Giorgio La Pira noua ainsi de profonds liens d’amitié avec le futur pape Paul VI.

Militant au parti Démocrate-Chrétien, pour le respect de la dignité de la personne et la sauvegarde de la civilisation chrétienne, il fut élu député puis maire de Florence deux fois, de 1951 à 1957 et de 1961 à 1965. Il avait ses bureaux au Palazzo Vecchio mais logeait dans une cellule du Couvent Saint Marc décorée par Fra Angelico. Ce parti de pauvreté et de non-conformisme touchait Louis Massignon, qui l’invita à  devenir membre de la sodalité de prière de la Badaliya.

Au cours de sa vie, il s’est fixé deux priorités : le service des pauvres et la promotion de la paix.  La « messe des pauvres », instaurée en 1934, devient célèbre ainsi que les Congrès pour la paix et la civilisation chérienne, de 1952 à 1955. Pendant la guerre froide, il invite de nombreux chefs d’Etat afin de susciter un dialogue. Mais à partir de 1957, il réduit ces Congrès en Colloques méditerranéens pour la paix, conscient de l’unité géographique et spirituelle de l’héritage abrahamique. Dans le même esprit de paix, il fonde en 1950, avec Angiolo Orvieto, l’Amitié judéo-chrétienne de Florence, la première association de dialogue entre juifs et chrétiens en Italie.

En 1958, le Colloque méditerranéen pour la paix est présidé par Moulay Hassan, prince du Maroc et fils du sultan Mohammed V. Giorgio La Pira charge Louis Massignon de faire les invitations : ce dernier commet l’imprudence de convier des représentants du FLN, ce qui entraîna le refus de délégués israéliens et de vifs reproches. Cette même année, l’islamologue retrouve avec joie le maire de Florence au Maroc, aux rencontres de Toumliline, un autre lieu de dialogue entre chrétiens et musulmans.
Les deux hommes sont profondément unis par les mêmes idéaux spirituels. Comme Louis Massignon, Giorgio La Pira est tertiaire franciscain, pèlerin de l’Alverne et de Damiette, nourri de dévotion mariale. Tous deux se consacrent avec une même énergie à la défense de la paix et de la civilisation chrétienne. Louis Massignon n’hésite pas à
faire de lui un modèle de « badaliote » (membre de la Badalya) et le qualifie toujours de « notre ami » dans ses lettres et convocations à la Badaliya.

Perçu comme une rare figure de chrétien en politique, la cause pour sa béatification a été engagée par l’Église catholique depuis 1986. Il est reconnu vénérable en 2018.

                                                                                   F.J



Témoignages de Louis Massignon sur Giorgio La Pira :

« C’est encore le pétrole qui prolonge la guerre en Algérie, par la lutte entre les compagnies étrangères rivales. On entrevoit une lueur d’espoir, depuis le colloque méditerranéen de Florence (4 oct. 1958) organisé par notre ami, le tertiaire franciscain Giorgio La Pira (4 oct. 1958), dans un accord entre le Maroc (au nom des Etats arabes) et Israël ; trois d’entre nous sont montés à l’Alverne à l’issue de ce Congrès qui avait été précédé d’un Jeûne pour une paix sereine ». 

« Prions pour le « Colloque méditerranéen » qui unit Chrétiens, Musulmans et Juifs à Florence, du 3 au 6 octobre 1958, sous les auspices de Giorgio La Pira et du prince héritier du Maroc, et le signe de Saint François d’Assise, complète sur le plan international l’appel à une Paix chrétienne que notre Ministre des Anciens Combattants a confié à Foucauld à Tamanrasset, après s’être unit à notre pèlerinage des Sept Dormants d’Ephèse à Vieux Marché (Ahl al-Kahf musulmane) »

Lettre annuelle n°XII, Commencée à Isé (Japon), la nuit du 5-5 septembre 1958, finie à Paris, le 24 juin 1959, Badaliya, pp.211-212 et pp.214-2015


« La Pira, en redescendant de l’Alverne (le 17 septembre /1957 : il y était monté avec le deuxième fils de Sidna et une délégation musulmane marocaine pour « vénérer » m’écrit-il lui-même s.Francesco stigmatizzato per l’amor de l’islam) a reçu ma lettre où je le priais d’aller au Caire, cet hiver, parler d’amitié islamo-chrétienne à Dar el Salam. ».

Lettre à J.M. Abd el Jalil, 12 octobre 1957, Correspondance, Cerf, 2007, pp.262-263 


« Le rôle unique de Damiette dans la Badaliya, affirmé dès 1947, médité d’année en année par nos pèlerins, a abouti le 5 janvier 1960, au pèlerinage de notre ami Giorgio La Pira, l’initiateur du mouvement de réconciliation islamo-chrétien, qui arriva directement à Damiette venant de l’Alverne (où Saint François réalisa pour tant d’âmes, dans sa stigmatisation, son offrande de Damiette pour une seule). Affirmant Damiette et l’Alverne comme les deux bases franciscaines de son mouvement, qui est en plein essor. »

 Lettre annuelle n°XIV, Commencée à Moscou, 13-14 août 1960, finie à Paris, 6 janvier 1961, Badaliya, p. 269



Bibliographie 

  • Agnès Brot, Giorgo La Pira, un mystique en politique (1904-1977), Paris, Desclée de Brouwer, 2017 
  • Élisabeth de MiribelGiorgio La Pira : espérer contre toute espérance : un prophète au cœur de notre histoire, Paris, Desclée de Brouwer, 1992
  • Sébastien Maillard, « Un saint investi en politique », La Croix,‎ 20 avril 2017, p. 32.
  • Louis Massignon, Badaliya, au nom de l’autre (1947-1962), présenté et annoté par Maurice Borrmans et Françoise Jacquin, préface du cardinal Jean-Louis Tauran, Cerf/patrimoines, 2011
  • Massignon Abd-el-Jalil, Parrain et filleul 1926-1962. Correspondance rassemblée et annotée par Françoise Jacquin. Préface de Maurice Borrmans, Cerf/histoire, 2007


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