Henri Maspero (1883–1945)

Le sinologue, Henri Maspero est un ami d’enfance de Louis Massignon. Ils se rencontrent sur les bancs du lycée Louis-le-Grand, en classe de troisième classique, l’année 1896-1897 ; ils ont à peine 13 ans. Bientôt, ils partagent la même « rage de lire et de comprendre » orientée par leur fascination pour les contrées lointaines. Le jeune Louis se passionne, à l’époque, pour la civilisation cambodgienne et apprend le sanskrit. Ensemble ils apprennent aussi l’hébreu. Preuve de leur maturité intellectuelle, dès 16 ans, soit avant l’âge requis, tous deux sont autorisés à travailler à la bibliothèque de la Société d’anthropologie de l’Office colonial des langues orientales. Dans le contexte d’une IIIe République anticléricale, tous deux sont recalés à l’agrégation d’histoire pour avoir soutenu une pétition défendant l’honneur de Jeanne d’Arc contre un livre jugé injurieux. 

Cet engagement en faveur de la pucelle d’Orléans accélère leurs vocations scientifiques. L’un et l’autre se retrouvent en Egypte, à l’instigation du père d’Henri, le célèbre égyptologue, Gaston Maspero, ami de de Ferdinand Massignon, dit Pierre Roche, le père de Louis. De cette intermède égyptien, Henni tire un diplôme supérieur d’histoire et de géographie sur Les finances de l’Egypte sous les Lagides. Louis, de son côté, doit à son séjour à l’Institut français d’archéologie orientale (IFAO) du Caire, l’émergence de sa vocation d’islamologue.

Là, leur route se sépare mais leur parcours est similaire. Suivant le déplacement en Indochine de son demi-frère, Georges Maspero, administrateur des Services civils et membre correspondant de l’Ecole Française d’Extrême-Orient (l’EFEO), Henri Maspero découvre le monde sinisé et se consacre à l’étude des civilisations vietnamienne et chinoise. Il devient professeur au Collège de France à la chaire de langue et littérature chinoises, en 1918. Il est l’auteur d’un travail pionnier sur le Taoïsme. Louis Massignon, lui, ouvre le champ de la mystique musulmane par son étude pionnière sur Hallaj, ce qui lui vaut d’être nommé suppléant du professeur Le Chatelier, à la chaire de Sociologie et Sociographie musulmane du Collège de France en 1919, avant d’être nommé à titre plein en 1926. Ils sont aussi collègues à l’Ecole pratique des Hautes études, à la section « Histoire des religions ». Henri Maspero y dirige le département « religions de Chine » tandis que Louis Massignon est nommé à la chaire « Islamisme et religions de l’Arabie » de l’EPHE, en 1932.  

En mémoire de son ami mort déporté à Buchenwald, Louis Massignon conservera, sa vie durant, le portrait du sinologue sur le manteau de la cheminée de son bureau. 


 

Témoignages : 

« Dès le début, nous étions guidés par le besoin d’“extrapoler” l’emploi des méthodes de recherche qu’on nous exposait pour l’Antiquité gréco-romaine et pour l’histoire de l’Europe, au niveau de l’horizon de l’univers ; nous trouvions absurde qu’on négligeât ces immenses régions humaines que sont l’Asie, l’Afrique, l’Amérique précolombienne et l’Océanie, ces civilisations chinoise, indienne et musulmane. Ainsi naquit notre vocation d’orientalistes. »

« Une amitié : Henri Maspero », Massignon, L’Herne, 1970, p. 26


« Après nous être constitués, par des heures de travail supplémentaire dans les bibliothèques (nous obtînmes une exemption d’âge pour travailler à l’École des langues orientales) des cadres chronologiques et cartographiques (chose particulièrement difficile pour l’Afrique noire, alors, l’Océanie et l’Amérique précolombienne), nous vîmes vite qu’il fallait non seulement “particulariser” les méthodes suivant les caractères observés (ethnologie et sociologie naissaient à peine), mais se résigner à étudier les alphabets, écritures et systèmes linguistiques non européens. Besogne cyclopéenne, pour deux jeunes étudiants […]. »

« Une amitié : Henri Maspero », Massignon, 1970, p. 26


« Cet intellectuel sévère était, dès le début passionnément penché sur l’humble labeur des gens du terroir, sur la mélodie courte, mais si pure, et si oublieuse d’elle-même de leur imagination. Avec lui, dès le début, j’ai appris à aimer le folklore, et les mélodies populaires ». 

« Une amitié : Henri Maspero », Massignon, 1970, p. 27



Bibliographie : 

« Une amitié : Henri Maspero. Note sur Henri Maspero adolescent pour Mlle Dr Rosa Katz », Massignon, Les Cahiers de l’Herne, n°13, 1970, p. 25-26, suivi de la correspondance de Louis Massignon à Henri Maspero, pp. 27-42

Alfred Merlin, « Notice sur la vie et les travaux de M. Henri Maspero, membre de l’Académie  », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 95e année, n° 4, 1951, pp. 416-426 

BM