Intellectuel algérien, historien, philosophe et islamologue Mohammed Arkoun a mis en valeur la tradition humaniste et libérale en islam. Il prône une « islamologie appliquée » à distance des constructions occidentales héritées du colonialisme et des représentations tronquées de l’islam chez certains musulmans après les indépendances. Pour son œuvre et ses engagements humanistes, il a été fait Commandeur de la Légion d’Honneur en 2004.
Le jeune Mohammed fait la rencontre décisive de Louis Massignon en 1954. Étudiant à l’université d’Alger, il vient de soutenir sa maîtrise sur L’aspect réformiste de la pensée de Taha Hussein. Le jeune homme souffre d’un certain « désert intellectuel » comme de « l’idéologie coloniale au sein de l’Institut d’études orientales, vivier de représentations négatives envers le monde islamique propagées par des mandarins dépassés » (Manoël Pénicaud). Les cours suivis en parallèle, comme auditeur libre, au sein la Medersa d’Alger ne le contente pas non plus par leur rigidité scolastique. Dès lors, sur les conseils de Louis Gardet, il décide d’adresser directement une lettre à Louis Massignon, qui lui répond par « Mon cher collègue » et le reçoit à Paris, peu après.
« Nous eûmes un long échange où j’avais risqué de timides remarques sur la distance entre l’Islam savant et transcendant qu’il défendait et l’Islam vécu en Algérie et, notamment, dans ma Kabylie natale. Il me suggéra alors de préparer une thèse sur cet Islam. »
C’est ce que fait le jeune homme. Sous la direction de Jacques Berque, il s’inscrit en 1957 pour un doctorat d’Etat sur « La pratique religieuse en Grande Kabylie » ; mais la guerre d’Algérie qui fait rage dans sa région natale l’oblige à se recentrer sur l’étude de la pensée islamique. Il consacre finalement sa thèse, soutenue en 1968, sur l’œuvre de l’historien et philosophe perse du premier millénaire, représentant du courant humaniste musulman, Ibn Miskawayh.
Il continuera à fréquenter l’islamologue. De 1954 à 1962, ils échangent notamment sur la guerre d’Algérie. Le jeune Mohammed est frappé par les motivations politiques mais aussi spirituelles de l’engagement de Louis Massignon – ce « résurrecteur d’Hallaj » – en faveur d’un islam sans doute sublimé.
Bibliographie :
M. Arkoun, « Ma rencontre avec Louis Massignon », article suivi d’une lettre de Louis Massignon à M. Arkoun du 16 juillet 1954, Combats pour l’homme. Centenaire de la naissance de Louis Massignon, Paris, Unesco, 1983, pp. 73-77
Sylvie Arkoun, Les vies de Mohammed Arkoun, Paris, PUF, 2014
Rachid Benzine, « Mohammed Arkoun. Le pensable, l’impensable et l’impensé dans l’islam contemporain », Les nouveaux penseurs de l’Islam, Paris, Albin Michel, 2004, pp. 87-118
http://www.fondation-arkoun.org/
BM