Résistante, déportée à Ravensbrück et ethnologue, Germaine Tillion a été élève de Louis Massignon à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. Elle tissa progressivement des liens d’amitié avec celui qui fut son co-directeur de thèse, avec Marcel Mauss, comme en témoigne leur correspondance mêlant sujets universitaires et préoccupations politiques à propos de l’Algérie. En 1999, elle est la deuxième femme à devenir Grand-croix de la Légion d’Honneur après Geneviève de Gaulle-Anthonioz. Le 27 mai 2015, elle entre au Panthéon en même temps que cette dernière, Jean Zay et Pierre Brossolette

Germaine Tillion rencontre L. Massignon en 1938 alors qu’elle mène le terrain de sa thèse dans l’Aurès (Algérie). Dans son rapport du 25 mai 1939, il loue l’exceptionnelle qualité de son travail : « C’est la première fois, semble-t-il, que pour un terrain algérien, une enquête est poussée en profondeur avec autant de méthode ». Rentrée en France en mai 1940, elle s’engage dans la Résistance au sein du réseau du Musée de l’homme. Arrêtée en août 1942, incarcérée à la prison de Fresnes, elle obtient la permission de travailler sur sa thèse en voie d’achèvement et emporte avec elle une large documentation. Tout cela disparaît lors de sa déportation au camp de concentration de Ravensbrück. Louis Massignon ne cessera de solliciter les autorités françaises pour que soient retrouvés cette thèse et ces documents.
Au retour du camp en juillet 1945, elle se consacre à l’histoire de la résistance, de la déportation et du système concentrationnaire à partir de sa propre expérience et d’entretiens avec des témoins survivants. Dans une lettre du 23 novembre 1950, Louis Massignon lui rappelle « sa vocation africaine ».
Le 25 novembre 1954, à l’instigation de Louis Massignon, elle reçoit de François Mitterrand, alors Ministre de l’intérieur, une mission d’enquête dans le Constantinois et plus particulièrement dans l’Aurès. En 1955, elle entre dans cabinet du nouveau Gouverneur général d’Alger, Jacques Soustelle, comme conseillère chargée des affaires sociales et éducatives. Elle y côtoie Vincent-Mansour Monteil, autre élève de Louis Massignon. Elle crée le Service des Centres Sociaux.
Durant la guerre d’Algérie, elle s’investit totalement dans la recherche d’une solution de paix. Elle fait part à Louis Massignon de ses démarches contre la torture et les exécutions sommaires qui s’y déroulent, rejoignant les combats politiques de son professeur. Celui-ci  la sollicite, en retour, pour venir en aide à des personnes en détresse. « Partageant les mêmes valeurs, sans avoir à les expliciter, sinon par des indignations communes et la complicité d’actions menées ensemble », selon Nelly Forget, ils s’engagent ensemble dans plusieurs mouvements, comme cette manifestation non-violente du 30 avril 1960, où ils sont traînés sans ménagement vers les cars de police. Signe de leur proximité, la dernière lettre de l’islamologue date du 5 février 1962 ; Germaine Tillion, comme elle en témoigne, lui rendra visite peu avant sa mort. 

Témoignages : 

« Louis Massignon, à tous les niveaux de sa personnalité, possédait une présence si intense que les contradictions s’effaçait, et de cet homme qui était tout esprit, on pouvait dire qu’il n’ignorait aucune réalité, car l’ascétisme, le détachement des contingences mondaines, le mépris profond et vrai des choses matérielles coexistaient en lui avec l’intuition la plus aiguë et la plus réaliste. C’était cela, ce courant vivant circulant entre deux pôles contraires, qui rendait son jugement si pénétrant et si sûr. » 

Germaine Tillion, Combats de guerre et de paix, Editions du Seuil, 2007, p.421 et l’Afrique bascule vers l’avenir, Editions Tirésias, 1999, p. 9, BALM, n°21, décembre 2008, p. 11



Bibliographie :

Association Germaine Tillion : http://www.germainetillion.fr

BAALM, n°21, décembre 2008, pp. 5-65

Jean Lacouture, Le Témoignage est un combat. Une biographie de Germaine Tillion, Paris, Seuil, 2000

Christian Bromberger, Tzvetan Todorov, Germaine Tillion. Une ethnologue dans le siècle, Actes Sud, 2002

Nancy Wood, Germaine Tillion, une femme-mémoire : d’une Algérie à l’autre, Autrement, 2003

Tzvetan Todorov (dir.), Le Siècle de Germaine Tillion, Le Seuil, 2007

Fabien Sacriste, Germaine Tillion, Jacques Berque, Jean Servier et Pierre Bourdieu. Des ethnologues dans la guerre d’indépendance algérienne, Paris, L’Harmattan, coll. « Histoire et perspectives méditerranéennes », 2011

Michel Cornaton, Nelly Forget, François Marquis – La guerre d’Algérie- Ethnologues de l’ombre et de la lumière, L’Harmattan, 2015

Marie-Laure Le Foulon, Le procès de Ravensbrück. Germaine Tillion : de la vérité à la justice, éditions du Cherche-Midi, 2016

Michèle Coquet, L’Aurès de Thérèse Rivière et Germaine Tillion – Être ethnologue dans l’Algérie des années 30, Le Bord de l’Eau, 2019

BM