Directeur d’études émérite à l’EPHE-PSL (Philosophie en Islam), Christian Jambet a été reçu le 6 février 2025 à l’Académie française par Jean-Luc Marion. 

Philosophe, spécialiste reconnu de l’islam chiite, directeur d’études émerite à l’EPHE-PSL, Christian Jambet est le premier islamologue reçu à l’Académie française. 

, Avant de faire l’éloge de Marc Fumaroli auquel il succède, Christian Jambet a évoqué l’actualité de sa spécialité. Pour lui, si «l’Orient musulman n’a pas cessé de préoccuper et de troubler les consciences occidentales depuis la dernière des grandes révolutions du vingtième siècle», tout aujourd’hui «conspire à la désunion des civilisations, à leur oubli et à l’affrontement des puissances. Les chemins qui menaient vers Bagdad, vers Damas, vers Ispahan se ferment. Nos sensibilités se lassent des beautés fanées d’un orientalisme que certains tiennent pour une fabrique coloniale d’artifices. Les mondes musulmans souffrent de la destruction par des politiques fanatiques de leurs transfigurations littéraires, picturales, musicales. Par malheur, à cet iconoclasme répond notre rejet de ce qui émerveillait Nerval, Flaubert…». Contre cela, «il faut dissiper les spectres de l’ignorance, revivifier le dialogue entre la tradition orientaliste dont la France fut le foyer générateur et les vivantes pensées de l’Orient musulman, écrasées mais non vaincues».

Voici plusieurs extraits du discours de Jean-Luc Marion:

« Vous ne fûtes certes pas le seul à vous aventurer dans cette voie, ni le premier : éduqué au néo-platonisme par Jean Trouillard, Pierre Hadot et René Roques, vous fûtes introduit en l’islamologie à l’École pratique – 25 – des hautes études, à l’INALCO et au Collège de France par le Père Guy Monnot, entouré de Roger Arnaldez, de Jean Jolivet.

« Surtout, vous fûtes d’abord et fondamentalement l’élève, puis le successeur du grand Henry Corbin, lui-même élève respectueusement dissident d’Étienne Gilson et de Louis Massignon. »

« Comment comprendre ce brusque tournant ? Pour deux motifs, liés aux deux autres noms tutélaires. – Celui d’abord de Massignon : Corbin ne céda pas à sa fascination pour al-Hallâj, dont le soufisme extrême abolissait de fait le Qôran en postulant une union à Dieu en droit interdite par le refus de toute incarnation en islam ; mais il en partagea la conviction que le shî’isme constitue bien l’âme spirituelle de l’islam ; et aussi qu’un « islam intégral » ne se réduit pas à une trop simple religion légaliste et exotérique, mais tente de mettre en œuvre et de dévoiler une ultime réalité ésotérique, où « le Qorân ne suffit pas ». Bref, l’islam oriental ne déploie finalement rien de moins qu’une philosophie prophétique et eschatologique. »

« Mais vous ajoutiez que cette crainte légitime se fondait surtout sur une acception trop étroitement légaliste de l’islam (en fait le wahhabisme), telle qu’elle avait été privilégiée (pour y opposer par exemple le soufisme ou al-Hallâj) par les travaux de Massignon et d’Arnaldez… »

Les discours de Jambet et Marion sont visionnables en ligne.