L’hospitalité envers les personnes déplacées – juifs de l’Exodus ou palestiniens privés de terre – doit servir de base pour refonder la vie internationale après la seconde guerre mondiale.

L’hospitalité bédouine, propre aux peuples nomades vivant dans le milieu hostile des déserts, vertu antéislamique, sacralisée et consolidée par l’islam, préfigure et inspire cette nouvelle diplomatie internationale.

Louis Massignon ne se contente pas d’énoncer de grands principes. Il propose une traduction concrète de la vertu d’hospitalité. Dans une conférence à Genève de juin 1952, il plaide en faveur de l’établissement de « zones de sécurité internationales » qui auraient trois fonctions, toutes sous la responsabilité de la Croix-Rouge : (1) protéger les blessés et les populations civiles en temps de guerre ; (2) accueillir les réfugiés dans les situations post-conflits, afin qu’ils ne deviennent pas des « otages politiques » ; (3) et enfin, offrir une protection aux œuvres d’art, monuments historiques, musées et archives, véritables « testaments de l’humanité ». Les guerres civiles actuelles au Proche Orient qui mêlent atteinte aux populations civiles, errance des réfugiés et atteinte aux œuvres d’art, rendent ce plaidoyer prophétique. 

Citations : 

« Je crois vous avoir fait sentir que le problème de l’hospitalité domine toute la question de la paix dans la justice. Tant que nous ne traiterons pas les personnes déplacées comme des hôtes de Dieu, nous ne trouverons pas de solution. »

« La Paix dans la justice en Palestine », (1962), Ecrits Mémorables I, p.723


« Je tiens beaucoup à aller là : c’est la tombe d’Abraham, le patriarche des croyants, juifs, chrétiens et musulmans, et c’est aussi le premier héros de l’hospitalité, du droit d’asile… Je pense que les problèmes du début de l’humanité sont ceux qui se poseront à la fin, spécialement celui du caractère sacré du droit d’asile et celui du respect de l’étranger. »

« L’Occident devant l’Orient. Primauté d’une solution cultuelle » (1952), Ecrits Mémorables I , p.68 


 

« Pour établir l’originalité et la force du principe musulman du Droit d’asile, il nous faut d’abord définir comment il s’est ébauché dans les sociétés primitives, avec l’hospitalité. L’hospitalité, avec ses préambules, salutations cérémonieuses et palabres, est un embryon de relations internationales, une offre de participation propice à l’étranger, à l’ennemi, à la notion de personne humaine que la tribu s’est formée pour ses membres. L’hospitalité est une merveilleuse initiative humaine, elle est, pour le primitif, sacrée ; tandis que chez nous, elle est désécrée, elle n’est qu’un moyen de faire des affaires, et une tactique rentable.(…)
Ce peuple (le peuple juif) ne comprend plus que la manière héroïque dont Abraham a pratiqué la vertu d’hospitalité ne lui a pas seulement valu la Terre Sainte en héritage, mais d’y faire entrer tous les hôtes étrangers que son hospitalité a bénis (…) . Signe annonciateur de la consommation finale du rassemblement de toutes les nations, bénies en Abraham, cette Terre Sainte ne doit pas être monopolisé par aucune. »

« Le respect de la personne humain en islam et la priorité du droit d’asile sur le devoir de la juste guerre» (1952), Ecrits Mémorables I , pp .787.788


« Il est clair, Gandhi nous l’a rappelé, et l’abbé Pierre, revenant de l’Inde, nous le redisait à Beyrouth, qu’en ces temps de haine aveugle et du mépris obstiné pour les faibles, la Loi non écrite de l’Hospitalité sacrée du droit d’asile à l’égard de tout étranger désarmé, même quand il s’agit d’un ouvrier nordaf, en France , est la norme indescriptible de notre amitié et, s’il le faut, de notre sacrifice. »

Badalya, au nom de l’autre (1947-1962), Le Cerf, 2011, p 225



Bibliographie : 

Louis Massignon, Ecrits mémorables, sous la direction de Christian Jambet, avec François Angelier, François L’Yvonnet et Souâd Ayada (2 vol.), éd Bouquins Laffont, 2009
– Le problème des réfugiés arabes de Palestine (EM,I, p.776) 
– Préface à
L’homme humilié de François Nourissier (EM, I, p.770)
– Le respect de la personne humaine en Islam, et la priorité de droit d’asile sur le devoir de juste guerre (EM, I,p.779)

Jean-François Six, « De la prière de substitution mystique à la compassion et à l’action », Présence de Louis Massignon, Hommages et Témoignages, textes réunis par Daniel Massignon, Centenaire de Louis Massignon, Maisonneuve & Larose, 1987, pp. 149-154

BM