À la notion de biographie, Louis Massignon préfère celle de « courbe de vie » en l’appliquant au saint musulman du Xe siècle Mansûr al-Hallâj à qui il a consacré une œuvre monumentale. Il s’agit de : « classer graphiquement les courbes de vie suivant leurs points remarquables : déviations, rebroussements et nœuds de leur destin, péripéties, crises et reconnaissances (anagnôrisesi) dans leurs aventures ». Cette expression de « courbe de vie » permet de présenter la sienne, caractérisée par une amplitude et une densité peu communes, à travers plusieurs facettes imbriquées et consubstantielles : « Jeunesse et vie familiale », « l’homme de Dieu », « le savant et l’islamologue », « le militaire et le diplomate », « l’intellectuel engagé ». Au cours de sa jeunesse, Louis Massignon est déchiré entre incroyance et foi, puis entre désir du désert, prières et vie dans le siècle, entre homosexualité, chasteté, mariage et prêtrise, entre évasion spirituelle hors du monde et action temporelle… La fusion de « tant de tensions en un seul homme » (Monteil) en fait sa singularité
Courbe de vie