Louis Massignon est un grand mystique catholique qui a dédié sa vie à la compréhension et à la reconnaissance de l’islam. Enfant, il reçoit une éducation catholique soutenue de la part de sa mère et de son directeur spirituel, période où pointe déjà une aspiration mystique, avant de progressivement perdre la foi au début du siècle. En 1900, l’écrivain J.K. Huysmans lui transmet pourtant les notions de « substitution mystique » et de « compassion réparatrice » qui seront centrales chez lui. Lors de cette période d’incroyance, il séjourne en Égypte (où il entame une liaison avec Luis de Cuadra), puis en Mésopotamie. C’est là qu’il fait en 1908, sur le Tigre, l’expérience d’une profonde crise mystique qu’il nommera « Visitation de l’Étranger » lors de laquelle il revient subitement au christianisme.

De retour en France, il fait vœu de chasteté et se voit proposer par Charles de Foucauld de le rejoindre dans le Hoggar algérien, y voyant son potentiel successeur. Le jeune homme est tiraillé entre cet érémitisme et la recherche universitaire qu’il consacre à la vie de Mansûr al-Hallâj, saint musulman martyrisé en 922 à Bagdad, en qui il voit une dimension christique, en écho à son propre mysticisme chrétien. 

En 1913, L. Massignon décide de ne pas suivre Foucauld et de se marier, avant que la Grande Guerre n’éclate. A la suite de l’assassinat de l’ermite de Tamanrasset en 1916, il n’aura de cesse de faire perdurer l’œuvre de son « frère aîné » et devient son exécuteur testamentaire. Il joue un rôle actif dans la postérité de Foucauld, jusque dans son procès de canonisation. Toute sa vie, il défendra publiquement la sincérité de son ministère. 

En 1931, il entre dans le Tiers-Ordre franciscain sous le nom de « Frère Abraham (Ibrahim) ». En 1934, avec son amie égyptienne de rite catholique melchite, Mary Kahil, ils fondent une sodalité de prière qu’ils nomment « Badaliya » (substitution, en arabe), dont le but consiste à prier pour le salut des musulmans, et non pour leur conversion. En juillet, il en fait état au pape Pie XI qui bénit cette initiative lors d’une audience privée. 

En 1949, Pie XII l’autorise à passer du rite latin au rite grec-catholique melchite. L’année suivante, au Caire, L. Massignon est secrètement ordonné prêtre catholique dans le rite melchite, qui autorise l’ordination des hommes mariés. Même s’il lui est demandé de garder cette ordination secrète et de ne pas officier en public, ce sacrement est un accomplissement spirituel pour lui qui en rêvait dès sa conversion en 1908. La fin de sa vie est de plus en plus marquée par sa mystique de l’hospitalité d’Abraham, ce qui le conduit à fonder en Bretagne un pèlerinage islamo-chrétien dédié aux Sept Dormants d’Éphèse

L’homme de Dieu

1883 / (4 septembre) Baptême en l’église Saint-Saturnin de Nogent-sur-Marne.

1892 / Le père Louis Poulin devient son directeur spirituel.

1893 / (26 avril et 3 mai) Première communion et confirmation. Éveil spirituel.

1896 / Éveil sensuel et dilemme entre l’éducation religieuse de sa mère et la philosophie matérialiste de son père.

1900 / Perte graduelle de toute foi religieuse. 

(27 octobre) : Se rend seul à Ligugé chez Joris Karl Huysmans, ami de son père, qui lui transmet les notions de « substitution mystique » et de « compassion réparatrice » qui deviendront centrales dans sa spiritualité.

1903 / (23 août) Dernière prière, prononcée à Domrémy, en Lorraine, village natal de Jeanne d’Arc.

1906 / (septembre) Premier contact épistolaire avec Charles de Foucauld (via Henry de Castries et Hubert Lyautey), qui lui répond le 2 octobre. LM ne donne pas suite.

1907 (octobre) Tentative de prière, vaine, chez les clarisses de la Villa de Saxe à Paris.

1908 / (2 mai) Accusé d’espionnage, ramené de force à Bagdad, il se croit condamné à mort et tente de se suicider sur le Tigre en Mésopotamie.

(3 mai) : « Conversion » (retour au catholicisme), « Visitation de l’Étranger ».

(5 mai) : Sur son lit d’hôpital, ressent l’intercession de Hallâj, Foucauld, sa mère, sa tante et Dulac (ami de son père). Entend la sourate (Al-Yâsîn) dédiée aux mourants, de la part des Alussy, ses hôtes musulmans à Bagdad. 

(6-7 mai) : Nouvelle expérience mystique alors qu’il est hospitalisé. Identification à Hallâj.

(24-25 juin) : Première prière à Alep, au cours de son retour en France ; expérience nocturne du « Dieu d’amour », « Dieu-père », deuxième étape du retour à Dieu.

(25 juin) : Troisième étape de sa conversion dans le train pour Balbek, révélation de l’unité de l’Église et de la communion des saints. Confession auprès du père Anastase de Saint-Élie à Balbek.

(27 juin) : Chemin de croix à Beyrouth, puis retour en France.

(8 août) : Première lettre à Paul Claudel (1868-1955), lui aussi converti et première rencontre en novembre 1909. Une profonde et tumultueuse amitié les liera pendant plusieurs décennies. Il lui confiera, au début de leur correspondance, ses voeux d’expiation de ses péchés de chair, ses tourments et son renoncement au désert et à la vie religieuse.

(7 octobre) : Fait ériger près de la propriété familiale de La Ville-Évêque (Côtes d’Armor), la « Croix des Brûlons », mémorial de son retour à Dieu.

(29 novembre) : Première lettre de LM à Charles de Foucauld, en réponse à sa lettre de 1906.

1909 / (20-23 février) Première rencontre avec Charles de Foucauld qui lui proposera, dans une lettre décisive, le 8 septembre, de le rejoindre au Hoggar en vue de lui succéder, sans succès.   

(avril) : Pèlerinage à Domrémy avec son père (réconciliation), sous les auspices de Jeanne d’Arc.

1911 / (24-28 décembre) Premier pèlerinage au sanctuaire de La Salette, lieu d’une apparition de la Vierge en 1846.

1912 / (février) Fréquente l’abbé Daniel Fontaine (1862-1920), curé de Notre-Dame-Auxiliatrice de Clichy et « apôtre des chiffonniers ».

(2 avril) : Pèlerinage sur la tombe de Mélanie Calvat à Altamura.

1913 / (février) Au Caire, revoit son ami Luis de Cuadra, gravement malade, pour qui il tente d’intervenir spirituellement ; fait également la connaissance de Mary Kahil, membre d’une grande famille grecque-catholique et amie de Luis. Il fondera, en 1934, avec elle, la sodalité spirituelle, dite de la Badaliya.

(septembre) Pèlerinage en Allemagne sur la tombe de la stigmatisée Anne-Catherine Emmerick.

1917 / (27 janvier) Apprend la mort de Foucauld (1er décembre 1916). De retour à Paris, il se consacrera à la survie de son message spirituel et à la mise en route de sa biographie par René Bazin.

1917-1918 / Plusieurs mois à Jérusalem. Pèlerinages aux lieux saints.

1920 / (juillet) : Initie la pratique quotidienne des trois angélus : pour les juifs, les musulmans et les homosexuels.

1923, à partir / Fréquente le cercle thomiste de Raïssa et Jacques Maritain, à Meudon.

1927 / (janvier) Violente crise de tachycardie à Londres. Il y voit un signe spirituel : retrouver la voie du dialogue intérieur avec l’Orient et l’islam

1927 / Commence à écrire les « Trois prières d’Abraham ».

1928 / (mars) Première édition du « Directoire » de Charles de Foucauld.

(7 avril) : Baptême de Jean-Mohamed Abd El Jalil, étudiant marocain musulman converti, dont il devient le parrain, le Samedi saint à Fontenay-sous-Bois 

1930 / (juillet) Transmet aux archives vaticanes, le dossier confidentiel hérité de Huysmans et contenant la confession et les lettres de l’abbé Boullan.

(7 septembre) : Pèlerinage à La Salette.

1931 / (30 novembre) Fait profession dans le Tiers-Ordre franciscain sous le nom de « Frère Abraham (Ibrahim) ».

1934 / (9 février) Vœux de substitution à Damiette avec Mary Kahil, acte fondateur de la sodalité de prière appelée « Badaliya » (substitution, en arabe), sous le signe de François d’Assise.

(18 juillet) : Audience pontificale au Vatican de Pie XI qui bénit la Badaliya. « Vous êtes devenus musulman », lui déclare-t-il.

1943 / (février) Instaure, avec le père Jean Daniélou et Marcel Moré, un messe mensuelle pour Sodome célébrée, rue Monsieur, dans la chapelle des Jésuites.

1949 / (5 février) Autorisé par Pie XII à passer du rite latin au rite grec-catholique.

(10 juin) : Démissionne de l’Académie des sciences coloniales, en désaccord avec des accusations faisant de Foucauld un « saint de la colonisation ».

1950 / (28 janvier)  Ordonné prêtre catholique dans le rite melchite, au Caire, en l’église Sainte-Marie de la Paix.

(19-20 octobre) : Nuit de prière en union de prière avec Charles de Foucauld, dans son bordj de Tamanrasset.

1951 / (septembre) : Pèlerinage à Éphèse à la Maison de Marie et à la grotte des Sept Dormants. 

1954 / (juillet) Fondation du pèlerinage islamo-chrétien des Sept Dormants au Vieux-Marché (Côtes d’Armor), « pour une paix sereine dans la justice en Algérie »

1955 / (janvier)  Pèlerinage à Namugongo (Ouganda) sur le lieu du martyr de Charles Lwanga et de ses camarades.

(novembre) : Rencontre à Béni-Abbès (Algérie) des associations se réclamant de Foucauld.

1962 / (juillet) Ultime participation au pèlerinage islamo-chrétien des Sept Dormants à Vieux-Marché.

(6 novembre) Inhumation dans le caveau familial à Pordic (Côtes-d’Armor). Le 15, liturgie des défunts à Saint-François-Xavier à Paris. Le 1er décembre, célébration d’une messe à Saint-Julien-le-Pauvre, paroisse melchite de Louis Massignon. 

MP