Louis Massignon est l’un des plus grands savants français du XXe siècle et l’un des pères de l’islamologie française. Ses travaux ont conduit à ce que l’étude de la mystique musulmane – le soufisme – entre dans la sphère académique. Sans cesse réécrite, son œuvre majeure est La Passion d’Al-Hallâj (1922) consacrée à Mansûr al-Hallâj, grand saint musulman du Xe siècle mis à mort à Bagdad en 922 (309 de l’Hégire).

Titulaire de la chaire de « sociologie et sociographie musulmane » au Collège de France de 1926 à 1954, directeur d’étude à l’École des Hautes Études, enseignant à l’École Libre des Sciences Politiques (ancêtre de Science-Po), à la Nouvelle Université du Caire…, L. Massignon a rayonné sur les études académiques, dépassant largement la seule sphère de l’islamologie. Il a en effet étudié en profondeur les domaines du langage, de l’artisanat et des corps de métiers, de l’architecture, de la poésie et de la littérature, de l’art et de l’esthétique, de l’histoire des sciences et de la science politique… si bien que François Angelier l’a qualifié de « savant à la production océanique ». 

Sa renommée a très tôt atteint une ampleur internationale. Il a été membre de nombreuses académies à travers le monde (Afghanistan, Belgique, Danemark, Espagne, Hollande, Iran, Suède, URSS, États-Unis, mais aussi Bagdad, le Caire, Damas, Londres, Rome…). Il a enfin joué un rôle crucial sur une génération de chercheurs travaillant sur le monde arabo-musulman, tels Mohammed Arkoun, Jacques Berque, Régis Blachère, Henry Corbin, Louis Gardet, Henri Laoust, Denise Masson, André Miquel, Vincent Monteil, Germaine Tillion, Eva de Vitray-Meyerovitch

Le savant et l’islamologue

1900 / Obtient le baccalauréat de philosophie. Début de la période d’incroyance de Louis Massignon.

1901 / Obtient le baccalauréat de mathématiques sur le conseil de son père, Ferdinand Massignon. Se passionne en parallèle pour la botanique, la linguistique, l’ethnologie.

1903 (septembre-octobre) : Dépôt de son sujet de diplôme supérieur d’histoire et de géographie : « Tableau géographique du Maroc au début du XVIe siècle d’après Léon l’Africain. ».

1904 / (8-20 avril) : Effectue, aux fins de vérifications topographiques, en compagnie du sculpteur Pierre Sainte, ami de son père, un périple marocain Tanger-Fès-Tanger. Suite à des mésaventures et à la trahison de son interprète, il se promet d’apprendre l’arabe.

1905 / Publication de son diplôme sur la géographie du Maroc selon Léon l’Africain. Impressionné par la « Reconnaissance au Maroc » de Charles de Foucauld (1858-1916), il lui fait transmettre un exemplaire de son ouvrage via Henry de Castries et Hubert Lyautey.

Recalé à l’agrégation d’histoire en 1905, à cause d’une prise de position en défense de Jeanne d’Arc, pendant l’affaire Thalamas.

1906 / (février) : Réussit le diplôme d’arabe littéraire et d’arabe vulgaire de l’École des Langues Orientales Vivantes. Suit le cours d’islamologie d’Hartwig Derenbourg à la IVe section de l’École Pratique des Hautes Études.

(octobre-décembre) : Nommé au Caire, à l’Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO). (fin octobre-novembre). En route vers Alexandrie,  rencontre sur le bateau de l’aristocrate espagnol Luis de Cuadra (1877-1921), fils du marquis de Guadalmina, dandy lettré converti à l’islam, qui l’initie à l’Islam et à al-Hallaj.

1907 / Travaux intenses, au Caire, d’histoire et de linguistique arabe. 

(24 mars) : Découverte du mystique musulman Hosayn ibn Mansûr al-Hallâj qui deviendra l’objet majeur de sa carrière savante et un repère-clé de sa piété personnelle.

(juillet) : Missionné par le général Léon de Beylié (1849-1910), archéologue, d’une mission d’enquête archéologique sur le site du château d’al-Okheïdir, au sud de Bagdad.

(août) : Séjours de recherche à Londres et Berlin.

Amorce une collaboration avec Alfred Le Châtelier (1855-1929), professeur au Collège de France et animateur de la Revue du Monde Musulman, à qui il succèdera.

1907-1908 / (décembre-juin) : Mission archéologique en Mésopotamie, travaux sur la topographie hallâgienne. Rencontre de Shukrî et Hadj Âli Alussy qui lui offrent l’hospitalité dans un quartier musulman.

(mars-avril) : Expédition archéologique au château d’al-Okheïdir. Passage aux villes saintes chiites de Kerbela et Najaf. Expédition interrompue à Kût al-Amâra (arrestation). 

(mai) : Épisode mystique de la « Visitation de l’Étranger » et retour à Bagdad, puis en France.

1908 / (août) : XVe Congrès des Orientalistes de Copenhague où il rencontre le grand islamologue hongrois Ignaz Goldziher qui parrainera ses futurs travaux sur Hallâj. 

1909 / (19 novembre 1909-22 juin 1910) : Séjour à l’IFAO au Caire pour préparer l’édition de son rapport sur la mission archéologique en Mésopotamie. Mêlé au milieu scientifique français, il suit également, en tenue d’étudiant musulman, les cours de l’Université d’al-Azhar. Tentative de vie érémitique au désert.

1911 / (juillet) : Echoue à décrocher un poste de professeur à Lyon.

1912 / (8-15 avril) : XVIe  Congrès des Orientalistes à Athènes. Y prononce sa communication sur la formule « Ana al Haqq »,« je suis la Vérité », attribuée à Hallâj. 

(9-15 septembre) : IVe Congrès international de l’Histoire des Religions, à Leyde, aux Pays-Bas.

1912-1913 (7 novembre-28 avril) : Enseignement à la Nouvelle Université́ du Caire, sur la recommandation dIgnaz Goldziher et de Christiaan Snouck Hurgronje. Donne un cycle de 40 leçons sur « L’histoire des termes philosophiques arabes ».

1913-1914 / Publication de ses traductions des œuvres de Hallâj (Kitâb al-Tawâsîn en 1913, Akhbâr al-Hallâj en 1914).

1914 / (23 janvier) : Dépôt à la Sorbonne de sa thèse sur Hallâj.

(26 août) : Destruction à Louvain, du manuscrit de sa thèse complémentaire sur « L’origine du lexique technique de la mystique musulmane », au début de la Première Guerre mondiale.

1919 / (5 juillet) : Nommé suppléant d’Alfred Le Châtelier à la Chaire de Sociologie et Sociographie musulmane du Collège de France (jusqu’en 1924).

1921 / (avril) : Travaille à la Revue du Monde Musulman.

1922 / (26 mars) : Dépôt de sa thèse de doctorat, 1000 ans, jour pour jour, après le martyre d’Al-Hallâj. 

(24 mai) : Soutenance en Sorbonne de sa thèse sur la « Passion d’al Hallâj, martyr mystique de l’Islam ». Les deux thèses seront publiées la même année aux éditions Geuthner, avant d’être sans cesse retravaillées, puis rééditées chez Gallimard en 1975 et 2010.

1923 / Publication du premier opus de l’Annuaire du Monde Musulman, inspiré des Handbooks for Arabia britanniques.

1923-1924 / Enquête au Maroc sur les corporations artisanales, à la demande du maréchal Hubert Lyautey.

1924 / Devient membre de l’Académie des sciences de l’URSS et de la Royal Asiatic Society à Londres.

1926 / (30 mai) : Elu Professeur titulaire de la chaire de Sociologie et Sociographie musulmane du Collège de France, en succession d’Alfred Le Châtelier.

1927 / (juillet) : Lance la « Revue des Études Islamiques » aux éditions Geuthner. Fonde l’Institut d’Études Islamiques à la Sorbonne, avec William Marçais et Maurice Gaudefroy-Demombynes.

1929 / (octobre) : Rencontre décisive d’Henry Corbin à qui il remet son exemplaire personnel de l’édition lithographiée du Kitâb al-Ishrâq de Suhrawardi.

1932 / (16 novembre) : Premier cours à la Ve section (sciences religieuses) de l’École Pratique des Hautes Études où il est élu directeur d’études et succède à M. Gaudefroy-Demombynes à la chaire « Islamisme et religions de l’Arabie ». 

1934 / (janvier) : Participe, au Caire, comme membre, à la première session de l’Académie royale de Langue arabe.

1937 / (5-7 août) : Rencontres du Cercle Eranos à Ascona (Suisse) ; il en deviendra un habitué jusqu’en 1955 et y côtoiera notamment Carl Gustav Jung.

1940 / (octobre) : Reprise des recherches et des cours au Collège de France et à l’EPHE, sous l’Occupation.

1946 / (novembre) Nommé président du jury de l’agrégation d’arabe, jusqu’en 1955.

1952 / Voyage en Irak à l’occasion du « Millénaire d’Avicenne ».

1952 / (septembre-décembre) : Tournée universitaire aux USA et au Canada.

1954 / (novembre) : Retraite universitaire de LM.

1958 / (15 septembre) : Voyage au Japon pour le Xe Congrès de l’Histoire des Religions.

1960 / (août) : Tombe malade alors qu’il participe, à Moscou, au XXVe Congrès des Orientalistes.

MP